Le Laboureur et ses enfants : une fable aux fondements de nos valeurs

Depuis 1956, la Manufacture de Confection Le Laboureur est fière de partager son nom avec l’une des nombreuses fables de La Fontaine. Issue du cinquième Livre des Fables de La Fontaine (1668), la fable Le Laboureur et ses enfants fait l’éloge du travail avec subtilité. A travers cet article, nous vous invitons à explorer cette fable de La Fontaine et à découvrir comment elle incarne les valeurs que nous cherchons à transmettre par l’intermédiaire de nos vêtements de travail traditionnels.

Dessin de l'introduction, où Le Laboureur raconte à ses fils la présence d'un trésor dans ses terres - Jade Pouneau

Une fable de La Fontaine inspirée d’Ésope

Lorsque les premières fables de Jean de La Fontaine (1621-1695) ont vu le jour en 1668, un chef-d’œuvre littéraire classique est né. Œuvre intemporelle, ces fables se déploient en douze livres, chacun composés de plusieurs récits écrits en vers. Alors que certaines fables mettent en scène des animaux aux comportements humains (concept d’anthropomorphisme), d’autres dépeignent des hommes et des femmes dans des situations de la vie courante. Qualifiés aussi d’apologues, ces textes ont un objectif didactique, c’est-à-dire d’enseigner une morale au lecteur.

À l’origine, Le Laboureur et ses enfants est une fable venue de l’esprit d’Ésope, un écrivain grec de l’Antiquité (620 av. J.C.), à qui on attribue justement la paternité de la fable. C’est donc au XVIIe siècle, à l’apogée du classicisme, que Jean de La Fontaine va retravailler cette fable. Sous la plume du fabuliste classique, le texte, nouvellement rédigé en vers, revêt d’un nouvel éclat. Il y mêle habilement alexandrins et octosyllabes, avec une profusion de rimes et de figures de style.

À noter que l’histoire d’origine et la morale explicite finale du texte d’Ésope sont toutes les deux conservées dans celui de La Fontaine, marquant le respect du fabuliste du XVIIe pour son ancêtre antique.

Le Laboureur et ses enfants
(Esope)

« Un laboureur, sur le point de terminer sa vie, voulut que ses enfants acquissent de l’expérience en agriculture. Il les fit venir et leur dit : « Mes enfants, je vais quitter ce monde ; mais vous, cherchez ce que j’ai caché dans ma vigne, et vous trouverez tout. » Les enfants s’imaginant qu’il y avait enfoui un trésor en quelque coin, bêchèrent profondément tout le sol de la vigne après la mort du père. De trésor, ils n’en trouvèrent point ; mais la vigne bien remuée donna son fruit au centuple.

Cette fable montre que le travail est pour les hommes un trésor. »

Ésope (vers 620 av. J.-C. – vers 564 av. J.-C.), Fables d’Ésope, Le Laboureur et ses enfants, traduction par Chambry, 1927

Le Laboureur et ses enfants
(La Fontaine)

Travaillez, prenez de la peine :

C’est le fonds qui manque le moins.

Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,

Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.

Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage

Que nous ont laissé nos parents.

Un trésor est caché dedans.

Je ne sais pas l’endroit ; mais un peu de courage

Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.

Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’Oût.

Creusez, fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place

Où la main ne passe et repasse.

Le père mort, les fils vous retournent le champ

Deçà, delà, partout ; si bien qu’au bout de l’an

Il en rapporta davantage.

D’argent, point de caché. Mais le père fut sage

De leur montrer avant sa mort

Que le travail est un trésor.


— Jean de La Fontaine (1621-1695), Fables de La Fontaine, Le Laboureur et ses enfants, 1668

Que raconte le poème de La Fontaine Le Laboureur et ses Enfants ?

L’apologue de La Fontaine s’ouvre en plongeant le lecteur in medias res, c’est-à-dire au cœur même de l’action et de la scène. La phrase impérative “Travaillez, prenez de la peine”, implique aussi personnellement le lecteur dans le récit.

Une scène se dévoile alors : après une vie de labeur bien remplie, un père mourant convoque ses enfants, seuls, à son chevet. Il leur demande de ne pas vendre ou aliéner leur précieux héritage. Le père étant un laboureur, l’héritage fait donc référence aux terres de ce dernier, transmises de génération en génération.

C’est alors que le père, “riche laboureur[1], confie à ses fils l’existence d’un trésor à l’intérieur de ses terres. Aucune instruction précise quant à sa localisation ne leur est donnée, si ce n’est quelques conseils avisés : courage et persévérance seront leurs alliés pour le dénicher, tout en labourant et bêchant les terres après la moisson, “Dès qu’on aura fait l’oût” (signifiant après le mois d’août, mois commun de certaines moissons).

L’histoire, par le biais d’une ellipse habile, annonce la mort du père. Dès lors, les fils, animés par la quête du trésor tant convoité, se mettent à l’œuvre. Tout au long de l’année, ils suivent à la lettre les instructions du paternel, mais aucun trésor n’émerge de leur labeur. Cependant, la terre travaillée, valorisée et rendue plus fertile, révèle sa générosité en offrant des récoltes plus abondantes.

[1] La fin du poème permet d’appréhender différemment cette expression lors de la deuxième lecture. En effet, “un riche laboureur” pourrait ne plus seulement faire référence à la richesse de ses biens, de ses propriétés et de sa terre, mais aussi à la richesse d’une vie bien remplie et riche en expériences.

Dessin Le Laboureur et ses fils, qui travaillent les champs à la recherche du trésor - Jade Pouneau
Dessin de la morale, où les fils du Laboureur se rendent compte que le travail est un trésor - Jade Pouneau

Qu’en est-il du trésor ?

La subtilité de ce poème réside dans la polysémie du terme “trésor”. D’emblée, ce mot résonne dans toute sa matérialité, aussi bien pour les fils avides que pour le lecteur. Les enfants du Laboureur, attirés par les gains rapides, subissent un revers cuisant en comprenant que leur cupidité est vaine.

C’est alors que, subtilement, se profile un autre sens du mot “trésor”, celui de la richesse patrimoniale. Une richesse forgée par le travail, une richesse bien méritée. Nous pouvions identifier cette morale dès le début du texte, par les paroles riches de sens du père Laboureur : “Travaillez, prenez de la peine”. Dans ce poème, la Fontaine évoque donc la valeur de l’effort, qui permet d’accéder à la richesse, tissant discrètement des liens avec la morale chrétienne et la noblesse du sacrifice.

Après une forme de désillusion suscitée par l’espoir d’une richesse facile, les protagonistes et nous, lecteurs, comprenons qu’une autre forme de trésor existe, émanant de la présence même du travail accompli. La richesse véritable ne dépend pas de ce qui nous est offert, mais de notre capacité à en tirer parti, à la façonner de nos propres mains. C’est donc un voyage personnel, une forme d’ascension dans le parcours de vie. Pour nos personnages, l’année écoulée est donc doublement fructueuse : d’abord, l’obtention d’un trésor physique par des récoltes abondantes liées au labeur, ainsi qu’une élévation personnelle, par l’inculcation d’une morale, celle que le travail et l’effort finissent par payer.

L’importance de la persévérance au travail

La morale de l’histoire racontée par La Fontaine dans Le Laboureur et ses fils (autre nom populairement donné à la fable) ne repose ainsi ni sur la poursuite d’objectifs immédiats, ni sur une approche basée sur des gains rapides. En effet, nous pouvons plutôt y voir le message que la durabilité des performances d’une entreprise, au sens large du terme et pas uniquement au sens de la structure juridique commerciale moderne, ne peut pas être assurée par une stratégie consistant à réaliser des coups d’éclat ponctuels. Au contraire, cela nécessite un engagement constant, à la fois individuel et collectif. Nous y voyons ainsi l’importance capitale de l’investissement à long terme, tel qu’il est mené par les fils du laboureur tout au long de l’année.

Dans un monde souvent dominé par la quête de résultats immédiats, nous souhaitons rester fidèles à nos convictions. Telle une allégorie moderne du laboureur sage et perspicace de La Fontaine, la Manufacture de Confection Le Laboureur s’efforce ainsi de transmettre ces valeurs fondamentales, auprès de ses salariés, de ses partenaires et de ses clients. Cette transmission concerne notamment notre objectif d’excellence, en fabriquant des produits de qualité, issus de savoir-faire anciens et précieux. Chez Le Laboureur, nous croyons fermement en la valeur du travail bien fait et au mérite. La peine fait partie de l’apprentissage du travail et amène notamment l’humilité. Nous croyons aussi dans la transmission. Cette valeur de famille, d’un laboureur à ses enfants.

La transmission des savoir-faire aux générations futures

Dans cette fable, nous pouvons effectivement identifier une vision intéressante de la transmission des valeurs. D’une certaine façon, le père laboureur dupe ses fils afin de les amener à travailler la terre. Peut-être aurait-il été vain de dévoiler directement le véritable dessein à ses enfants. Sans l’évocation de ce “trésor”, leur détermination n’aurait probablement pas été aussi grande. Ainsi, les paroles du père ont suscité chez les enfants une posture de convoitise forte, une volonté d’accéder à la richesse facile.

Toutefois, c’est en poursuivant avec acharnement la quête d’un trésor, qu’ils ont accompli une série de travaux qui ont contribué à forger leur force de travail. Ce n’est qu’à la fin de leur parcours que les enfants du laboureur réalisent que le véritable trésor réside dans la quête elle-même, plutôt que dans la destination finale. Le père laboureur avait parfaitement conscience de cela. Cependant, il savait également qu’il ne pouvait pas transmettre cette vision directement et simplement à ses enfants. Doté d’une belle expérience de vie et d’un humour encore fertile, il décide de leur jouer un dernier tour (thématique particulièrement présente dans les écrits de Jean de La Fontaine) en faisant preuve d’habileté, si ce n’est d’une certaine ruse, pour inculquer indirectement la valeur du travail à ses enfants.

Bien entendu, à la Manufacture de Confection Le Laboureur, nous n’avons pas recours à des subterfuges de cette sorte pour transmettre nos valeurs ! Toutefois, nous sommes convaincus que cet aspect de la morale peut être transposé à la transmission du savoir-faire. Ce qui pour nous revêt une importance cruciale dans l’apprentissage et l’acquisition d’un savoir-faire, ce n’est pas uniquement l’aboutissement final, mais bien l’intégralité du parcours accompli. Chaque étape de ce cheminement façonne aussi le savoir être du travailleur, tout en considérant aussi bien les réussites que les échecs comme de précieuses expériences à valoriser.

Plus qu’une fable divertissante, Le Laboureur et ses enfants fait un véritable éloge du travail

Fière de partager le nom du sage protagoniste de La Fontaine, la Manufacture de Confection Le Laboureur aspire elle aussi à partager cette vertu du travail bien fait. Tout d’abord en interne, auprès de nos précieuses couturières, où nous transmettons avec rigueur nos savoir-faire anciens. Mais également à l’extérieur, en proposant des vêtements de travail d’une grande qualité à tous les artisans qui façonnent et bâtissent notre monde, qu’ils soient charpentiers, ferronniers ou même peintres en lettres. Nous sommes convaincus que la valeur du labeur est universelle, qu’elle transcende les frontières, les générations et les métiers, et qu’elle mérite d’être honorée dans chaque réalisation.

Au XXIe siècle, la valeur du travail est souvent décriée, malmenée et réduite à une corvée associée uniquement à la peine. Toutefois, le travail englobe aussi des valeurs bien plus profondes, parmi lesquelles émerge en particulier le mérite. Au Laboureur, il est possible que notre attachement à cette valeur puisse sembler en décalage avec le monde dans lequel nous vivons. Pourtant, si les valeurs sont cycliques et évoluent, à l’image de la mode, ne sommes-nous pas en fin de compte en avance pour les générations à venir ?

C’est aussi ça Le Laboureur, être ce qu’il est à travers les âges et les époques, respecter les Hommes et leur travail, transmettre aux générations qui viennent.

Sources

Philippe ROCHER. (2010). Les Fables de La Fontaine à l’école. Eduscol.

Jean de La Fontaine. (2023, 10 mai). Dans Wikipédia.

Le Laboureur et ses enfants. (2022, 19 octobre). Dans Wikipédia.

Illustrations par Jade Pouneau

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Antoine TIGNON

Antoine TIGNON